Les exploitants de casinos misent sur un rebond durable du marché des jeux en France, une stratégie qui passe par la conquête d'une nouvelle clientèle plus jeune et de territoires hautement symboliques comme Marseille et Paris.
L'année 2015 s'est terminée sur une note d'espoir pour les 201 casinos du pays avec, pour la première fois depuis sept ans, une inversion de la courbe du produit brut des jeux, soit ce qu'encaissent les casinotiers après redistribution des gains aux joueurs, avec une hausse de 2,8%, à 2,2 milliards d'euros.
Cette augmentation intervient après une baisse de 24% cumulée sur les sept exercices précédents, selon un communiqué du Syndicat des casinos modernes de France, qui l'impute à une fréquentation en hausse et à une évolution des jeux.
"La France est le pays leader en Europe en nombre de casinos et de chiffre d'affaires réalisés, devant l'Angleterre", déclare à Reuters le président du directoire de JOA, Laurent Lassiaz.
Le numéro trois français, avec 22 casinos, vient d'investir près de 20 millions d'euros dans le dernier né du groupe, à la Seyne-sur-Mer (Var), et annonce un objectif d'un peu plus de 220 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 2016.
Son but est d'attirer une nouvelle clientèle, moins fortunée mais plus jeune, moins coutumière aussi des jeux d'argent.
"Plus de 50% de la surface de nos établissement est aujourd'hui dédiée à des activités non jeu", dit Laurent Lassiaz. "L'objectif est de tirer de la rentabilité et du chiffre d'affaires d'un tas d'activités pour une clientèle qui consomme le casino (CO-35,52 € 0,68 %) comme une destination de loisirs".
Tous les grands groupes ont fait le même choix contraint d'une "stratégie de dépoussiérage" de leurs établissements, une stratégie indispensable pour surfer et maîtriser les soubresauts d'un marché qui reste fragile.
A La Ciotat, dans le département voisin des Bouches-du-Rhône, le groupe Partouche, numéro un du secteur avec 41 casinos en France, vient de mettre en chantier un "casino à ciel ouvert" dont la majorité des machines à sous seront installées en extérieur sur une terrasse de 1.300 m2.
"BANDITS-MANCHOTS" À MARSEILLE ?
Chez Barrière, numéro deux en France, on a opté pour un recentrage des activités qui conduira l'entreprise à se séparer à terme d'une dizaine de casinos pour ne conserver que les enseignes les plus prestigieuses et d'une taille critique.
"Tous les établissements présents en France ne sont malheureusement pas candidats à l'évolution de notre métier, où la plupart des innovations technologiques exigent de gros investissements", prévient Laurent Lassiaz, qui estime que "les indépendants auront bien du mal à suivre".
Accueillir des "bandits-manchots" sur son territoire s'avère souvent très lucratif pour les budgets communaux. Les machines à sous ont généré plus de 1,9 milliard d'euros l'an dernier et représentent près de 90% du produit total des jeux de casinos.
L'apport du casino de Deauville (Calvados) représenterait 30% du budget de la commune, celui de Barbazan (Haute-Garonne) près de 80%, indique le syndicat professionnel des Casinos de France, qui regroupe une centaine d'exploitants.
Le secteur fait également vivre directement plus de 15.000 personnes en France, pour environ 45.000 emplois indirects.
Des arguments de poids qui sont susceptibles de convaincre les maires les plus réfractaires à l'idée d'installer un casino sur leur commune. Ce fut le cas du maire (Les Républicains) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, qui a longtemps refusé d'envisager l'ouverture de tables de jeux dans une ville où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Le sénateur-maire de la deuxième ville de France a depuis révisé son jugement. "De ma vie, je n'ai jamais joué au casino, mais je peux comprendre que des gens aiment ça", dit-il.
La perspective de créer 500 emplois et de percevoir une rente annuelle estimée à 10 millions d'euros l'ont convaincu.
Les études ont été engagées pour déterminer l'emplacement du futur établissement, dans un secteur portuaire en mutation où débarquent chaque année plus de 1,5 millions de croisiéristes.
"Ces études doivent aboutir au cours du premier trimestre 2016 afin d'initier la procédure d'appel d'offres d'une délégation de service public", a affirmé lundi Jean-Claude Gaudin lors de ses voeux à la presse.
Un dossier sur lequel se sont déjà positionnés tous les grands casinotiers.
"Evidemment notre groupe sera candidat à cet appel d'offres", dit le président du directoire de JOA. "Marseille, c'est un dossier sur lequel nous sommes extrêmement attentifs".
PARIS FAIT DE LA RÉSISTANCE
Paris reste en revanche hostile à l'installation d'un casino dans ses murs et demeure l'une des rares capitales européennes à en être dépourvue avec Rome. Selon la loi, les casinos sont interdits dans un rayon de 100 kilomètres autour de la ville, mais des cercles de jeux y sont autorisés depuis 1947, avec le statut d'association de type loi 1901.
Le rapport qui a été remis en 2015 sur le sujet, dont la préconisation de créer des casinos à Paris, a été accueilli très fraîchement par les élus de la capitale, majorité et opposition confondues.
Le ministre de l'Intérieur penche désormais vers une implantation de clubs sur le modèle londonien, une création "à titre expérimental, d’une nouvelle catégorie d’établissements de jeux sous forme de société commerciale, sans machines à sous et dont la régulation dépendrait uniquement de l’Etat".
"Nous sommes très proches, à travers nos actionnaires, des opérateurs étrangers qui opèrent par exemple à Londres et ont une très grande expertise de ce qu'il est possible de faire dans une ville comme Paris", souligne Laurent Lassiaz.
De même qu'à Marseille, les casinotiers se disent "très attentifs" à l'opportunité de voir se développer en région parisienne une "offre légale de jeux digne de ce nom".
(source : capital.fr/Yves Clarisse/Reuters)