Les casinos du Calvados espèrent rouvrir le 15 décembre. Une très longue attente qui fait aussi souffrir les communes qui hébergent un établissement de jeu, privées d’importantes ressources.
Un jackpot pour oublier le confinement ? Impossible. Les casinos sont toujours fermés. Sur la côte calvadosienne, le temps paraît long pour les amateurs, les établissements et les communes. « Chaque jour qui passe, je pleure 5 000 € », soupire le maire de Ouistreham, Romain Bail. « Ça peut surprendre, mais les casinos sont une délégation de service public », précise Romain Tranchant, PDG du groupe éponyme, qui exploite notamment le site de Luc-sur-Mer. Les villes touchent en effet une somme importante, tirées de taxes sur les revenus du jeu.
Juste avant le reconfinement, et alors que les casinos pâtissaient déjà du couvre-feu, la première adjointe au maire de Saint-Aubin-sur-Mer, Élise Mackowiak, nous confiait que « la situation aurait des répercussions sur la ville » : « Nous touchons un pourcentage sur les machines à sous. Ces revenus sont une part non négligeable de notre budget de fonctionnement. Avec la fermeture du printemps, nous avons anticipé. Des travaux et certains achats ont été reportés. »
Travaux et campagne de promotion reportés
La municipalité de Ouistreham a également intégré son manque à gagner dans ses prévisions budgétaires. « En 2021, je prévois un million et demi d'euros issus du jeu au lieu de deux millions, indique Romain Bail. Alors comment trouver les 500 000 € manquants ? » Une partie de la réponse, conjoncturelle, pourrait venir de l'Etat, qui a acté une compensation pour les pertes du premier confinement. Mais sur le long terme, la réflexion est plus profonde : « Je ne veux plus de cette dépendance au casino. Ici, à Ouistreham, l'argent sert à équilibrer le budget. Il faut sortir de ce modèle, reprend Romain Bail. Dès lors, il n'y a pas 50 solutions : des économies ou une hausse de la fiscalité. » L'équilibre est d'autant plus fragile que les collectivités n'ont théoriquement pas le droit de présenter un budget déficitaire.
Aussi, les villes tentent-elles de donner un coup de pouce à leur poule aux œufs d'or. « Luc-sur-Mer nous a fait un geste en bonne intelligence », glisse Romain Tranchant. Quelques kilomètres plus à l'Ouest, Ouistreham, propriétaire des murs de l'établissement, avait suspendu le loyer (environ 8 000 € mensuels) lors du premier confinement. Et si la mairie « n'a pas pu en faire autant » lors du reconfinenement, elle a toutefois assoupli quelques clauses de la convention entre les deux parties : « L'exploitant, le groupe Barrière, est en charge de l'entretien du bâtiment, explique Romain Bail. Au regard de la situation, des travaux seront reportés. D'autre part, alors que le casino devait consacrer une somme à la promotion de ses jeux et ses spectacles, pour en augmenter l'attractivité, il pourra disposer de cet argent pour équilibrer ses comptes. »
«Des collaborateurs sont gagnés par l'anxiété»
Des économies bienvenues, alors que le secteur souffre. Le quotidien « Les Échos » détaillait dans un article du 20 novembre les tourments du groupe Barrière, affecté par la fermeture de ses établissements et la chute de son activité hôtelière. Romain Tranchant, par ailleurs vice-président de Casinos de France, rappelle que « les casinos génèrent 15 000 emplois directs, et 45 000 indirects. Et selon les retours qu'on a, un certain nombre de collaborateurs sont gagnés par l'anxiété »…
Les 55 employés du casino Tranchant de Luc-sur-Mer sont au chômage partiel, en attendant une reprise « qu'on espère le 15 décembre, et qui se ferait sous couvre-feu », indique Romain Tranchant qui écarte toute suppression de poste et mise « sur la clientèle locale. À Luc, nous avons des clients du secteur, de Rouen, et de Paris. Et les gens auront le droit de bouger. Et probablement envie de se faire plaisir ». Le casino, qui a perdu 23 % de son produit de jeu cette année, sait qu'il devra encore se passer de ses activités de restauration et autres animations.
«Aucun cluster n'a été recensé dans un casino»
Mais les établissements se préparent, affirmant pouvoir accueillir le public en toute sécurité. « Dès le mois de juin, nous avions défini une jauge à 150 personnes sur nos parties jeu, retrace Romain Tranchant (contre le double environ en temps normal, NDLR). Les casinos contrôlent les identités, connaissent la clientèle et disposent d'outils technologiques qui peuvent tracer les cas contacts. Lors du déconfinement, aucun cluster n'a été recensé dans un casino ou un club de jeu. » Autant d'arguments pour une reprise attendue avec impatience. À Saint-Aubin-sur-Mer, la première adjointe, Élise Mackowiak, résume clairement : « Les casinos fermés, c'est une bonne nouvelle pour personne. » Les joueurs, eux, seraient nombreux à se renseigner sur la réouverture.
(source : leparisien.fr/Esteban Pinel)