Les Français aiment les jeux de hasard et d'argent. Cet état de fait s'illustre par le nombre de casinos gérés dans l'Hexagone : pas moins de 190 établissements. Au cours de la saison 2004/2005 (clos le 31 octobre dernier), le secteur a cumulé un produit brut des jeux (PBJ) de 2, 64 milliards d'euros, contre 2, 61 milliards un an plus tôt. Ramené au nombre d'habitants par an, cela représente près de 44 euros joués.
Sans surprise, les machines à sous (18.787 appareils installés) sont restées les principales sources de revenus (93, 5 %) des casinos, puisqu'elles ont généré un PBJ de 2, 47 milliards d'euros, en progression de 1, 48 %. L'activité de la dernière saison n'en reste pas moins décevante car la hausse constatée (+ 1, 3 %) est la plus faible depuis seize ans et, surtout, intervient après plusieurs années de croissance à deux chiffres. Il semble donc que les casinotiers aient mangé leur pain blanc, puisque cette tendance difficile devrait se poursuivre sur l'exercice qui se clôturera le 31 octobre.
Les raisons invoquées sont diverses : crise de confiance des ménages, baisse de leur pouvoir d'achat, nouvelles mesures de contrôle à l'entrée des casinos (prise des identités), et surtout hausse des taxes sur le produit brut du jeu. Il n'en reste pas moins que le monde du jeu est très rentable, malgré une législation française particulièrement contraignante qui impose un taux de redistribution au moins égal à 88 % des sommes misées aux jeux de table et à 85 % aux machines à sous.
Dans la pratique, la moyenne nationale du taux de redistribution des machines à sous est d'ailleurs beaucoup plus élevée puisqu'elle atteint 92 %. En France, on peut distinguer deux modèles économiques pour les casinos. D'un côté, il y a les pure players, à l'image de Groupe Partouche, qui ne se diversifie dans les restaurants ou les hôtels que de façon très limitée. De l'autre, les groupes comme Lucien Barrière, qui détient 95, 7 % de la Société des Hôtels et Casino de Deauville, gèrent les casinos en complément d'une réelle offre hôtelière.
Face à l'arrivée à maturité des activités classiques des casinos (les machines à sous et les tables), quels peuvent être les relais de croissance de ces groupes ? Pour Groupe Lucien Barrière, la messe est dite et l'objectif est clairement de limiter la pondération des casinos au profit de l'hôtellerie et de la restauration.
Pour Groupe Partouche, force est de constater que la chose est plus ardue. La société, qui n'a jamais freiné sa politique de croissance externe depuis le milieu des années 1980, continue sa course à la taille critique. La famille, qui détient toujours près de 70 % du capital, est d'ailleurs vendeuse depuis deux ans mais peine à trouver un acquéreur. Le véritable relais de croissance des casinotiers en France sera peut-être l'avènement des jeux sur Internet. L'affaire est cependant bien mal engagée, puisque l'Etat Français refuse toujours catégoriquement de rendre ces jeux légaux.
En Bourse, Groupe Partouche et Bains de mer de Monaco présentent selon nous les meilleures opportunités d'investissement.
Groupe Partouche Toujours à la recherche d'un acquéreur
> C'est en 1973 qu'Isidore Partouche, pied-noir d'origine algérienne, se lance dans les affaires à Saint-Amand-les-Eaux. Trente-trois ans plus tard, la société qu'il a créée gère pas moins de 54 casinos, dont 47 en France, et a réalisé sur l'exercice 2004/2005 un chiffre d'affaire de 452, 5 millions d'euros. C'est sans aucun doute le groupe le plus médiatique de l'Hexagone. Mi-juin, la société a publié son chiffre d'affaires du premier semestre (mois de septembre à février), en hausse de 16, 5 %, à 257, 61 millions d'euros. Sur le seul deuxième trimestre 2005/2006, les facturations des cinq nouveaux casinos du groupe Divonne, acquis auprès de Didot-Bottin, ont contribué à hauteur de 15 millions d'euros alors que le consensus des analystes financiers anticipait seulement 12 millions d'euros. Attention, cependant, la direction a indiqué que cette forte hausse sur les six premiers mois de l'année n'était pas reconductible sur l'ensemble de l'exercice. En tout cas, la rentabilité devrait se redresser. L'an dernier, le bénéfice d'exploitation avait chuté de 12, 4 %, revenant à 86, 9 millions d'euros (marge de 19 %). Plombé par une hausse de l'imposition et par les coûts de démarrage des nouveaux casinos, le bénéfice net était revenu à seulement 6, 9 millions d'euros, en baisse de 65, 6 %. Le résultat opérationnel pourrait atteindre cette année 91 millions d'euros et le bénéfice net 17 millions.
Il y a deux ans, les fonds d'investissement Cinven et Permira avaient proposé de racheter la participation de la famille Partouche sur la base de 18 euros par action. Mais, après un désaccord sur le prix, les 70 % du capital familial sont toujours à vendre.
Depuis que le gouvernement français a placé le secteur des casinos dans la liste des domaines à protéger contre une OPA étrangère, il semble difficile à Groupe Partouche de trouver un acheteur. La société présente pourtant des atouts indéniables et des actifs rares. Le passage aux normes IFRS a mis en lumière la valeur des biens immobiliers du groupe, qui avoisine 300 millions d'euros. Toujours soucieux de grossir, Groupe Partouche a finalisé, en octobre 2005, le rachat des cinq établissements de Groupe Divonne à Didot-Bottin, pour 135 millions d'euros (85 millions d'euros auxquels se sont ajoutés 50 millions de reprise de dette). L'opération a été réalisée sur des ratios parfaitement raisonnables, puisqu'elle valorisait Groupe Divonne à seulement 1, 3 fois le produit brut des jeux, alors que la récente vente des parts de Moliflor par l'assureur Legal & General au fonds d'investissement Bridgepoint s'est réalisée à 460 millions d'euros, soit 1, 8 fois le PBJ, dette comprise.
Groupe Partouche est aujourd'hui nettement sous-valorisé : la somme de la capitalisation boursière et des dettes (474 millions d'euros) ne s'élève qu'à 1, 17 milliard d'euros, soit 1, 4 fois notre estimations de PBJ pour 2005/2006.
En prenant l'hypothèse d'une transaction sur une base plus réaliste de 1, 7 fois le PBJ, sachant par ailleurs que la dette couvre des actifs immobiliers, la juste valeur de Groupe Partouche en cas de cession ressort à 19 euros, soit notre objectif de cours.
Societe des Hotels et Casino de Deauville Ni retrait de la cote ni dividende
> Après un exercice 2004/2005 (clos le 31 octobre) marqué par une remontée des profits (6, 5 millions d'euros) en dépit de la baisse du chiffre d'affaires global, l'exercice 2005/2006 a démarré sur des bases plutôt positives pour la société des Hôtels et Casino de Deauville (SHCD).
Au cours du premier semestre (mois de novembre à avril), le chiffre d'affaires (186, 8 millions d'euros) est reparti à la hausse, même si celle-ci reste mesurée (+ 1 %).
Le produit brut des jeux (79 % des facturations du groupe) est ressorti stable, à 148, 2 millions d'euros.
La cession du casino d'Hossegor et l'érosion des activités des jeux de table ont été compensés par l'augmentation des recettes du parc de machines à sous (1.342 installées) et par une hausse de l'activité dans le premier casino de France, celui d'Enghien-les-Bains.
La dynamique de la SHCD provient surtout des deux autres branches, à savoir, d'une part, la restauration, qui a progressé de 6 % (12 % des ventes globales) grâce à la très bonne orientation du Fouquet's à Paris et des activités à Deauville.
Et, d'autre part, l'hôtellerie, dont les facturations des cinq hôtels ont grimpé de 12 % (7 % du volume global). Le résultat opérationnel est repassé dans le vert à 0, 8 million d'euros, contre une perte de 1, 1 million un an plus tôt. Le résultat net est pour sa part négatif de 0, 1 million.
Ces performances ne reflètent cependant pas la santé réelle des activités du groupe. En effet, SHCD est en pleine phase d'investissement, notamment avec les travaux engagés pour l'hôtel Fouquet's sur les Champs-Elysées, à Paris, les charges complémentaires liées aux travaux de rénovation des thermes d'Enghien et la création du casino de Toulouse. En 2004/2005, l'enveloppe consacrée aux investissements avait représenté 44, 7 millions d'euros, et elle devrait être encore importante cette année.
Pour l'ensemble de l'exercice, la direction reste très prudente quant aux perspectives d'évolution des résultats en argumentant que la tendance demeure difficile dans le secteur du loisir alors que l'activité dans les machines à sous est arrivée à maturité.
Aussi, dans une perspectives prudente, nous tablons sur un bénéfice net stable, à 6, 5 millions d'euros. Etant donné que le flottant de SHCD est aujourd'hui réduit à seulement 4, 3 % (l'actionnaire principal, Groupe Lucien Barrière, détenant 93, 7 %), que la direction se refuse à proposer un retrait de la cote et qu'elle n'entend pas non plus distribuer de dividende, nous conseillons de rester à l'écart du titre.
Celui-ci est d'ailleurs très bien valorisé à 82 fois notre estimation de bénéfices pour 2005/2006. En revanche, la capitalisation boursière présente, selon nous, une décote sur la valeur des actifs de SHCD, puisque la partie casino n'est valorisée que 1, 3 fois le PBJ.
La volonté affichée par la direction de Lucien Barrière de ne pas offrir une porte de sortie aux actionnaires minoritaires enlève au titre tout intérêt spéculatif.
Societe des Bains de Mer de Monaco Les actifs prestigieux restent faiblement valorisés
> L'exercice 2005/2006, clos le 31 mars, n'a pas été le meilleur qu'a connu ce groupe, détenu à près de 70 % par l'Etat monégasque. Malgré un chiffre d'affaires en progression de 6 %, à 354, 4 millions d'euros, le bénéfice d'exploitation a chuté de 19, 7 %, à 17, 5 millions.
Mais cette contre-performance était attendue, compte tenu des charges d'amortissement liées à l'ouverture du magnifique hôtel Monte-Carlo Bay Hotel & Resort, situé sur la presqu'île du Larvotto, qui ont pesé à hauteur de 11, 1 millions d'euros sur l'exercice.
La plus-value exceptionnelle de 15 millions d'euros liée à la vente de 400.000 titres de la société américaine Wynn Resorts a, en revanche, permis au résultat net de progresser sensiblement (+ 27, 6 %), pour atteindre 30 millions d'euros.
Bernard Lambert, le directeur général de la Société des Bains de Mer de Monaco (SBM), nous a confirmé, début juillet, la bonne tenue des activités du groupe en général.
Une croissance des facturations de 4 à 5 % a été observée au cours du mois de juin. Le chiffre d'affaires du nouvel hôtel situé sur la presqu'île du Larvotto devrait quant à lui avoisiner 30 à 34 millions d'euros sur l'année.
Pour l'ensemble de l'exercice, qui sera clos le 31 mars 2007, nous anticipons sur un bénéfice net proche de 36 millions d'euros, capitalisé 25 fois au cours actuel.
En effet, la direction nous avait confirmé que 15 millions d'euros de plus-values supplémentaires sur la vente de titres Wynn Resorts avaient été constatés en avril.
Compte tenu du nombre de titres existants (1, 8 million, et non pas seulement 1, 2 million, puisque 600.000 appartenant à l'Etat monégasque ne sont pas cotés en Bourse), la capitalisation boursière de l'ensemble avoisine 910 millions d'euros, soit 1, 6 fois les fonds propres (567 millions). A ce niveau de valorisation, la valeur d'entreprise (somme de la capitalisation et de la dette) représente 2, 6 fois le chiffre d'affaires, ce qui peut paraître élevé.
Mais, il faut convenir que la société détient des actifs prestigieux : l'hôtel de la presqu'île du Larvotto a coûté près de 200 milllions d'euros et il est détenu en propre. Au total, l'actif net réévalué peut être estimé à 600 millions d'euros.
Depuis notre conseil d'achat de juillet 2003 à 155 euros, la valeur a flambé, pour naviguer aujourd'hui au-dessus de 500 euros. Nous conseillons de profiter d'un repli vers 470 euros, pour renforcer les positions avec un objectif de 560 euros.
Fermiere du Casino Municipal de Cannes Des difficultés structurelles...
> Détenue à 65 % par la famille Barrière-Desseigne et à 15 % par Groupe Partouche, la Fermière de Cannes (SFCMC) n'a pas été intégrée dans le périmètre du Groupe Lucien Barrière en 2004 (après l'apport des casinos du groupe Accor), en raison d'un prix offert jugé bien trop faible par la famille Partouche.
Depuis, la situation de la société ne s'est pas améliorée. Confrontée depuis cinq ans à une chute de son produit brut des jeux, en raison notamment de la création d'un troisième casino dans la ville de Cannes, l'entreprise a mis en place un plan de sauvegarde des emplois qui a permis le départ volontaire de 48 salariés.
Malgré une embellie des facturations au premier semestre 2006 (+ 4, 3 %, à 48, 3 millions d'euros), la perte opérationnelle à doublé, pour atteindre 10, 1 millions d'euros, plombée par les charges des départs volontaires.
La perte nette a atteint 8, 1 millions d'euros.
Pour l'ensemble de l'année, la direction table sur une rentabilité sensiblement détériorée.
Notre conseil :
GROUPE PARTOUCHE : renforcer avec comme objectif 19 euros (code : PARP ; Comp. B).
SOCIETE DES HOTELS ET CASINO DE DEAUVILLE : rester à l'écart (code : HCDV ; Comp. B).
SOCIETE DES BAINS DE MER DE MONACO : renforcer vers 470 euros (code : BAIN ; Comp. B).
Fermiere du Casino Municipal de Cannes : rester à l'écart, la valeur pâtit d'une très faible liquidité et d'un visibilité réduite (code : FCMC ; Comp. C).
(source : Le Journal Des Finances/JEAN-BAPTISTE FROVILLE)