Une dizaine d'employés du casino est en grève depuis plus d'une semaine. Sur fond de machines à sous et de gestion du personnel
Il y a un petit plus d'un an, ils étaient couchés côte à côte sur des lits de camps dans le hall désespérément vide du casino. Grévistes de la faim, patron et employés affichaient leur solidarité pour que l'établissement en lequel ils croyaient puisse enfin ouvrir ses portes. Aujourd'hui, alors que c'est chose faite, ils ne se parlent plus. Comment, après un combat long et épuisant, la « famille » du casino du lac de la Magdeleine a pu ainsi se disloquer ?
Depuis lundi 28 août, une dizaine d'employés des grands jeux et de la cuisine fait en soirée le piquet de grève devant le casino. Au coeur de leurs revendications, la mixité entre les grands jeux (black jack, stud poker...) et les machines à sous. Pour mémoire, depuis l'ouverture, en décembre 2005 du casino, seuls les grands jeux faisaient tourner la machine. Et plutôt bien aux dires des intéressés. Les machines à sous n'ayant fait leur arrivée que le 30 août 2006.
« Un casino haut de gamme ». Pour les employés des grands jeux, installer dans la même salle des tables engageant souvent de grosses sommes et nécessitant concentration et silence et des machines à sous aux espèces sonnantes et trébuchantes est une gageur. Le tout sur un fond musical soutenu. « Nous étions parvenus à un compromis qui consistait à conserver le salon des grands jeux avec trois tables et à installer une table dans la salle des machines à sous. Et puis avec l'arrivée prématurée des machines (1) la direction a imposé sa décision », explique l'un des grévistes.
« Si nous nous sommes tant battus c'est que nous croyions au projet de Mme Ruggieri. Celui d'un casino haut de gamme. Si nous avions su ce qui était prévu, jamais nous n'aurions été aussi loin », poursuit un autre employé évoquant les difficultés financières de tout ceux qui avaient patienté un an et demi sans emploi, avaient distribué des tracts et manifesté, bref, s'étaient engagés aux côtés de Frédérique Ruggieri, l'actionnaire principale du casino.
« Démocratiser les grands jeux ». « Et aujourd'hui, elle refuse de nous voir. Elle passe en voiture à côtés de nous sans s'arrêter. Alors que ce que nous demandons, c'est de la voir, elle, de lui parler... », explique, au bord des larmes, une employée de la première heure. Contactée par téléphone, Frédérique Ruggieri, la présidente de la Socodem, estime que « les employés détournent les fruits de la grève de l'an passé. »
« La mixité est un protocole d'état qui permet de démocratiser les grands jeux et d'équilibrer les comptes. Pour moi, les croupiers ne sont pas au dessus des employés de jeux. Par ailleurs, nous n'avons pas construit le salon pour le laisser fermé. J'ai demandé à obtenir une table de Texas holden poker (2) dans l'idée de faire de cette salle une salle dédiée au poker. » Quant à une éventuelle rencontre avec les grévistes, Frédérique Ruggieri rappelle qu'elle n'est « que » actionnaire et non pas gérante du site.
Rapports tendus. Le directeur du casino, Alain Paris qui a lui aussi connu la période tourmentée des débuts veut avoir une vision à long terme. Celle d'une mixité grands jeux-machines à sous et d'un espace privé « poker ». En ce qui concerne le mouvement des grévistes, il se borne à dire que « la continuité des jeux est assurée » puisque tous les croupiers ne sont pas en grève (3) et même si actuellement, seule une table fonctionne. Le dialogue ne semble pas être au coeur des préoccupations. D'autant plus que l'argument de la mixité se développe sur fond de rapports très tendus entre les différents employés du casino. Des représentants de la cuisine ont ainsi rejoint le mouvement.
« On en est au 4e concept de restaurant et à la 3e équipe embauchée », explique un chef de cuisine en grève qui dénonce un véritable problème de fond. Mais pour la direction, Socodem et SAS Casino du lac de la Magdeleine, l'implication des employés dans la gestion du casino relève de l'ingérence. « Ce n'est pas leur casino », résume Frédérique Ruggieri. « Non, sans nous il ne serait surement pas là. Maintenant qu'il est ouvert, on veut se débarrasser de ceux qui en savent trop » répondent, en déplorant de ne pouvoir le faire en face, les grévistes.
Hier soir, nous apprenions que ces derniers étaient reçus, en fin de journée, par le directeur Alain Paris. Sans qu'aucune autre information ne soit communiquée...
(1) Les machines à sous ne devaient arriver « que » le 1er octobre mais un recours déposé par la Socodem devant le tribunal administratif a permis de réduire le délais. (2) Le Texas holden poker est un nouveau jeu que pratique notamment des « personnalités » telles que Patrick Bruel. Trois casinos sont actuellement en phase de test en France. Il pourrait prochainement faire son entrée dans tous les établissements. (3) Le casino emploie environ 35 personnes, tous services confondus, personnel en grève compris.
(source : .sudouest.com/Sabine Menet)