SIN CITY Alors que les hôtels espèrent rouvrir fin mai ou début juin à Las Vegas (Nevada), le principal syndicat dénonce un « manque de transparence » sur la sécurité sanitaire
Cent vingt-huit dollars la nuit au Cosmopolitan, 55 dollars à Treasure Island, 45 dollars au MGM Grand… Il y a trois mois, Las Vegas aurait été prise d’assaut avec ces prix cassés. Mais le coronavirus est passé par là, et alors que les hôtels espèrent rouvrir fin mai ou début juin – la date doit être annoncée à tout moment par le gouverneur du Nevada – les casinos tentent de rassurer les clients potentiels. Au programme : distanciation physique, capacités réduites et désinfection massive des surfaces et des jetons. Mais le principal syndicat hôtelier dénonce un « manque de transparence » et refuse que les employés « servent de cobayes ». Avec, en toile de fond, le spectre d’une crise économique sans précédent, dans un Etat qui vit essentiellement du tourisme.
Las Vegas est à l’arrêt depuis le 17 mars. Tout le strip attend le feu vert du gouverneur, avec une réouverture prévue pour la phase 2 du déconfinement. Les hôtels espéraient pouvoir accueillir des clients ce week-end pour Memorial Day, qui marque traditionnellement le début de la saison estivale, des barbecues et des pool parties – l’an dernier, plus de 300.000 visiteurs avaient débarqué à Vegas sur trois jours. Mais à moins d’un rebondissement, ils devront sans doute patienter une ou deux semaines supplémentaires.
Cartes détruites et jetons désinfectés
Si le gouverneur Sisolak décide de la date, les détails sanitaires et logistiques sont d’ores et déjà tranchés par le Gaming Control Board du Nevada. Ce régulateur a publié une feuille de route des mesures minimales que les casinos devront respecter. Dans un premier temps, ils devront opérer à la moitié de leur capacité, faire respecter la distanciation physique, si besoin en retirant des sièges de certaines machines à sous. Les surfaces devront être désinfectées régulièrement, pour certaines après chaque partie. Les tables de black-jack seront limitées à trois personnes, celles de poker à quatre, contre neuf au maximum en temps normal. Du plexiglas devrait protéger les croupiers, comme dans les casinos de l’Arizona, qui viennent de rouvrir.
Chaque groupe hôtelier doit soumettre à validation un plan détaillé. Certains, comme wynn Resorts, ont choisi de le rendre public, mais ce n’est pas une obligation. Jetons passés « dans un lave-vaisselle commercial haute-température » ou « aux UV », dés nettoyés après chaque lancer, cartes de baccara « détruites » après chaque partie ou « toutes les quatre heures » pour le poker… En 23 pages, le mot « désinfection » apparaît 165 fois. Et il faut également compter des dizaines de surfaces dans les hôtels et les restaurants : boutons d’ascenseur, poignées de porte, chasses d’eau, terminaux bancaire et autres distributeurs de billets. Dans le désert, le gel hydroalcoolique va couler à flots.
« Les employés refusent d’être des cobayes »
Comme à Hollywood, les syndicats ont un poids considérable à Las Vegas. Le plus puissant, la Culinary workers union, compte 60.000 membres. Et la colère gronde. « L’idée que chaque groupe mette au point ses propres procédures et ne soit pas obligé de les rendre publiques, tout en espérant qu’aucun mauvais acteur ne mette en danger les travailleurs, on a tous les ingrédients d’un désastre potentiel. Les employés refusent d’être des cobayes, c’est une question de vie ou de mort », insiste un représentant de l’organisation.
Depuis le début de la pandémie, 15 adhérents sont décédés du coronavirus. Le syndicat réclame que « le gouverneur Sisolak impose des protocoles sanitaires à tout le secteur immédiatement ». Et surtout, que le Nevada se donne les moyens de les faire respecter, avec des contrôles réguliers des autorités.
Tourisme-dépendance
Si le coronavirus a plongé la planète entière dans une brutale récession, l’impact est décuplé dans le Nevada. En 2018, le secteur touristique (principalement casinos, hôtellerie et restauration) représentait un emploi sur trois et 23 % du PIB de l’Etat. C’est entre trois et quatre fois plus qu’en Californie.
David Henkes, analyste du secteur de la restauration chez Technomic, s’attend à un effondrement des revenus des casinos qui pourrait atteindre entre 35 et 50 % pour l’année 2020. « A Las Vegas, il n’y a pas que le tourisme de loisir mais aussi les voyages d’affaires » avec 24.000 conventions annuelles, souligne-t-il. Selon lui, « un retour aux niveaux pre-Covid pourrait prendre plusieurs années. »
(source : 20minutes.fr/Philippe Berry)