Amnéville (Moselle), le maire de cette cité thermale de 9 000 habitants, Jean Kiffer (div. droite) et le concessionnaire de son casino, Georges Tranchant, continuent de se livrer une bataille sans merci. Lundi 16 mai, M. Kiffer a réuni son conseil municipal en séance extraordinaire pour faire adopter une délibération l'autorisant à demander au ministre de l'intérieur de révoquer "sans délai" l'actuel exploitant.
M. Kiffer reproche au groupe Tranchant dont la concession de dix ans doit expirer en fin d'année de ne pas avoir respecté ses engagements en matière d'investissement, au titre de la promotion touristique du site, et de "nuire à l'image et au fonctionnement" du complexe thermal en menant contre la commune et ses élus un "véritable activisme judiciaire".
Bien décidé à conserver "son" casino (280 machines à sous et plusieurs tables de jeux), qui a rapporté à son groupe, en 2004, un bénéfice net après impôts de près de 5 millions d'euros pour 50 millions de recettes brutes, Georges Tranchant multiplie les procédures pénales contre le maire et ses proches, dont il n'a de cesse de dénoncer la "gestion calamiteuse". "Sans le casino, qui lui assure chaque année plus de 6 millions d'euros de recettes, la commune d'Amnéville serait en faillite", répète à l'envi Georges Tranchant, dont une récente conférence de presse sur le site, a bien failli dégénérer en bagarre générale.
Le casinotier, qui se présente comme "l'un des plus gros contribuables de la ville" , s'appuie sur trois prérapports de la chambre régionale des comptes consacrés à la gestion de la municipalité et de son centre de loisirs pour tenter de mobiliser l'opinion sur "le désastre financier" que provoquerait une fermeture du casino, "même momentanée".
La juridiction lorraine, qui a passé au crible le budget 2004 de la commune, en a conclu que celui-ci n'était ni "sincère" , ni "équilibré" . Le préfet de région, Bernard Hagelsteen, vient de faire le même constat dans le cadre de son contrôle de légalité.
UN MONTAGE SANS PRÉCÉDENT
Le représentant de l'Etat a attaqué, par ailleurs, devant le tribunal administratif de Strasbourg, une délibération du conseil municipal d'Amnéville prise en début d'année et confiant l'exploitation du casino à une société d'économie mixte (SEM) en cours de constitution dont la commune détiendra 60 % des parts , "au plus tard" en 2006, lorsque la concession du groupe Tranchant aura pris fin. Le 21 mars, les élus amnévillois avaient approuvé l'entrée dans le capital de cette SEM (à hauteur de 24,5 %) du groupe sarrois Spielbank, qui exploite huit casinos en Allemagne.
Un montage "instable" , selon le préfet, sans précédent dans l'économie bien réglée des casinos français. Dénonçant le "diktat" du préfet, le maire d'Amnéville a annoncé qu'il allait porter plainte contre lui pour "prise illégale d'intérêts" , l'accusant de vouloir "sacrifier l'intérêt général aux petites affaires du Parisien -Georges Tranchant-" . M. Kiffer, qui se dit victime d'un "complot surréaliste", accuse son rival d'"instrumentaliser la justice et le préfet".
(source : lemonde.fr/Nicolas Bastuck)