Pour la seconde fois, sa direction a fait suspendre un arrêté ministériel. Mais depuis deux ans les péripéties rencontrées par le casino illustrent l'opacité qui règne dans ce secteur d'activité.
Lundi, le tribunal administratif de Bordeaux a suspendu en référé l'arrêté pris le 12 juillet dernier par Nicolas Sarkozy. Conformément à un avis rendu par la Commission supérieure des jeux, le ministre de l'Intérieur n'avait autorisé le casino de Gujan-Mestras à exploiter ses cinquante machines à sous qu'à partir du mois d'octobre prochain. Ce qui revenait à mettre l'établissement en difficulté, les paris de la saison estivale constituant une part prépondérante du chiffre d'affaires dans les zones touristiques. Aucune raison ne justifiait que le casino du Lac de la Magdeleine soit pénalisé de la sorte. « La mesure ne repose sur aucune base légale ou sur aucun élément de fait susceptible de fonder la restriction temporelle », souligne juge des référés. Reste à savoir qui oeuvre en coulisse pour faire trébucher les dirigeants de l'entreprise...
Embûches. Achevé au début de l'été 2004, le casino construit au bord de la voie rapide dans le style Louisiane n'a été ouvert que dix-huit mois plus tard au terme d'une intense guérilla juridique. A l'époque, l'autorisation n'avait été donnée que pour les jeux de table. L'établissement ayant passé sans encombre la période probatoire imposée de six mois, il était apte à solliciter et à obtenir l'autorisation d'implanter des machines à sous. Sans avancer la moindre raison, la Commission supérieure des jeux souhaitait différer leur arrivée après l'été. Une annonce imprévue dans une curieuse partie de poker où tous les coups ne se jouent pas autour de la table.
Le projet, concu dans le cadre d'une délégation de service public, avait reçu l'aval de la préfecture et des Renseignements généraux chargés de la police des jeux. Pourtant en 2005, il avait été retoqué à deux reprises par la Commission dont les avis avaient été entérinés par les ministres de l'Intérieur successifs, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Officiellement, ce veto était justifié par une offre de jeux trop importante dans les environs avec la présence des casinos du groupe Partouche à Arcachon et Andernos, celui du groupe Barrière à Bordeaux.
Petit poucet. L'argument était un peu court. La Gironde disposait d'un parc de machines à sous deux fois plus petit que celui des Pyrénées-Atlantiques ou des Landes. Et au moment où le rouge s'affichait pour Gujan, la Commission autorisait soixante-dix bandits manchots supplémentaires à Bordeaux et Biscarrosse. La commune d'Arcachon dont le maire Yves Foulon est un proche de Nicolas Sarkozy , Barrière et Partouche, ont souvent été soupçonnés d'avoir oeuvré en sous-main pour torpiller La Magdeleine. Ils s'en sont toujours défendus. Il n'empêche que la collectivité pouvait craindre une baisse de ses rentrées fiscales liées à une diminution de la fréquentation de son casino. Quant aux seconds, était-il impensable qu'ils fassent un peu de lobbying pour empêcher un nouveau de chasser sur leur plates-bandes ?
A l'issue d'une mise en concurrence, la commune de Gujan avait en effet écarté les poids-lourds des tapis verts pour confier l'exploitation de la Magdeleine à la Socodem, une petite société issue de l'immobilier et gestionnaire jusqu'alors du modeste casino de Lacaune dans le Tarn. Etrangers au sérail, ses dirigeants Frédérique Ruggieri et Sentob Tolédano se sont pourtant rapidement forgé une réputation. Devant leur instance, Nicolas Sarkozy n'avait pu faire autrement que de les rencontrer lors de ses vacances au Pyla en 2005. Ils avaient négocié le réexamen de leur dossier contre le retrait de leur plainte déposée pour trafic d'influence et favoritisme à l'encontre des membres de la commission. Ils n'étaient pourtant pas à bout de leur peine.
Opacité. La Socodem restera sans doute dans les annales casinotières comme le seul opérateur à avoir fait suspendre à deux reprises un arrêté ministeriel inspiré par des avis de la Commission supérieure des jeux. Présidée par un ancien conseiller d'Etat, composée de quinze fonctionnaires et de cinq élus, cette instance entretient une certaine opacité autour de son fonctionnement. Ses procès-verbaux ne sont pas publics. Nul ne connaît les noms de ceux qui participent aux délibérations et elle n'est pas tenue de motiver ses avis. En 2001, la Cour des comptes avait sévèrement critiqué son manque de transparence, le caractère fluctuant de ses décisions et surtout l'impossibilité de dégager les critères qui les fondaient. Sans être entendue comme c'est souvent le cas !
(source : sudouest.com/Dominique Richard)