Alors que le gouvernement français s'apprête à libéraliser le jeu en ligne au second semestre 2009, la Française des jeux prépare sa riposte. Christophe Blanchard-Dignac, 54 ans, PDG du groupe, et ancien directeur du budget, explique la stratégie qu'il compte mettre en oeuvre, alors que l'ouverture du capital de l'entreprise, dont l'Etat détient 72 %, est programmée.
La Française des jeux lance le 6 octobre le nouveau Loto, quel est l'enjeu ?
C'est un nouveau départ pour le Loto. Depuis plus de trente ans, ce jeu est un phénomène de société. Près de 15 millions de français y jouent. Mais il n'a pas connu d'évolution majeure depuis dix ans. Or la société française a changé. Le jeu va être plus simple, plus accessible. Nous introduisons un jour de tirage supplémentaire, nous lançons un jackpot roulant pour susciter des rendez-vous et nous créons le "numéro chance", qui permet au joueur de gagner sa mise. L'investissement global pour le nouveau Loto s'établit à 15 millions d'euros. Nous espérons recruter 3 millions de joueurs supplémentaires et accroître le chiffre d'affaires du Loto de 20 % en deux ans.
La logique de ce projet ne va-t-elle pas à l'encontre de la politique de prévention contre l'addiction au jeu menée par les pouvoirs publics ?
Le jeu responsable est au coeur des valeurs de l'entreprise et de son réseau. Le nouveau Loto, comme l'actuel, s'adressera à un grand nombre de joueurs misant des sommes modérées.
Dans un contexte de ralentissement économique, comment se porte l'activité de la Française des jeux ?
Le Rapido, le premier jeu de la Française des jeux (il représente 23,7 % de son chiffre d'affaires), très présent dans les bars, subit de plein fouet l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Les joueurs jouent moins longtemps, moins souvent et moins d'argent. L'impact est majeur, avec une baisse des recettes de 18 % à 20 %. Euro Millions se porte bien, et le Loto subit une légère érosion. Sur les huit premiers mois de l'année 2008, le chiffre d'affaires de la Française des jeux est en recul de 2 %. L'objectif de maintenir l'activité sur l'ensemble de l'année à un niveau comparable à celui de 2007 n'est pas acquis. Le jeu, comme tout produit grand public, subit les arbitrages de consommation.
Lors du conseil des ministres du 11 juin, le principe de l'ouverture du capital de la Française des jeux a été évoqué. Où en est le projet ?
Ce n'est pas la première fois que lorsqu'un secteur s'ouvre à la concurrence, il y a une réflexion sur l'ouverture du capital d'une entreprise détenue majoritairement par l'Etat. Cette démarche doit nous permettre de nous développer avec les mêmes armes que nos futurs concurrents. L'objectif est d'avoir des actionnaires capables de nous accompagner dans nos projets.
Nous avons l'ambition d'être un acteur de référence en Europe. Nous sommes ouverts à différents partenariats, que ce soit dans les nouvelles technologies, le sport, ou pour nous implanter dans d'autres pays. Ces partenaires peuvent être actionnaires ou non. Nous discutons d'abord du cadre juridique et fiscal, préalable à la valorisation de l'entreprise. L'Etat détient aujourd'hui 72 % du capital, il en a détenu dans le passé 51 %, et il n'était même pas au capital au début du Loto.
Quelle est votre stratégie avec la libéralisation des jeux en lignes ?
Même si 96 % de notre activité restent sous monopole, nous devons nous préparer très vite à l'ouverture du marché des paris sportifs en ligne. C'est notre priorité. Le développement de cette activité est très satisfaisant : sur les six premiers mois de l'année, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros, soit plus qu'en 2007. Notre objectif est d'atteindre 2 millions d'inscrits d'ici à la fin 2010, contre 1,2 million actuellement. Nous devons aussi étoffer notre offre. Des partenariats sont envisagés.
Etes-vous intéressé par les paris hippiques ou le poker en ligne ?
Internet change la donne, avec la possibilité de distribuer des produits d'autres opérateurs. Si nos joueurs souhaitent que nous leur offrions des paris hippiques, nous en parlerions avec le PMU, l'opérateur de référence. Quant au poker, le sujet mérite d'être considéré avec beaucoup de prudence. Beaucoup de sites en ligne posent des problèmes de sécurité.
(source : lemonde.fr/Laurence Girard)