L’ouverture des jeux et paris en ligne, le 8 juin dernier, n’a pas provoqué de raz de marée. Les deux tiers des joueurs français préfèrent les sites illégaux !
Trois mois après la promulgation de la loi, les sites de jeux et de paris en ligne attirent une foule monstre de curieux – 1 internaute sur 3 est allé voir au moins un des sites agréés (*), le nombre de parieurs n’a pas suivi. « Visiter n’est pas parier », constate le cabinet expert Mercureo, qui estime que « le taux de transformation des visiteurs en joueurs va se révéler plus problématique que prévu dans les mois à venir ». Patatras !
Les tout derniers chiffres de l’Arjel, l’autorité de régulation des jeux en ligne, le confirment : on est encore loin du jackpot espéré. Le gendarme des jeux comptabilise 1,3 million de comptes actifs (de vrais joueurs) au début du mois de septembre, contre 1,2 million en juillet sitôt après l’ouverture des sites légaux. Un chiffre somme toute honorable, mais qui ne masquent pas deux données fortes : les sites illégaux continuent d’attirer presque autant de joueurs (2 millions de parieurs) qu’avant : seuls 100.000 joueurs ont basculé des sites illégaux vers les sites légaux !
Le foot attire le plus de parieurs
Pour l’Arjel, tout reste donc à faire : « Avant la loi, il y avait probablement entre 2 et 2,5 millions de joueurs en France sur les sites illégaux », note son président, Jean-François Vilotte, « l’objectif n’est pas de susciter une augmentation de la demande, les jeux de pari restant des activités à risque, mais que les joueurs qui préexistaient basculent en cadre sécurisé ».
Avant le 8 juin, ils étaient déjà 700.000 à jouer sur les deux seuls sites autorisés – celui de la Française des jeux et celui du PMU. Le Mondial a bel et bien produit un appel d’air, le foot fournissant le plus gros contingent de parieurs en ligne. Les nouveaux joueurs se sont tournés vers les opérateurs historiques, puis vers ceux qui ont les moyens de sortir la grosse caisse médiatique.
Reste que le gendarme des jeux a bien du mal à sévir : l’Arjel n’a adressé que 49 mises en demeure de cesser leur activité à des sites non autorisés, mais des milliers de sites illégaux restent accessibles, assez facilement pour que 2 millions de joueurs continuent à les fréquenter régulièrement. Les dizaines de milliers de joueurs que l’Arjel espérait voir migrer rapidement vers l’offre légale ne sont donc toujours pas au rendez-vous.
Plusieurs raisons à cela. La tentation est grande de rester sur des sites où les sommes reversées atteignent 95 %, contre 85 % en France. Le marché italien, ouvert il y a deux ans, et qui a inspiré le modèle français, a déjà dû revoir à la baisse son taux de taxation pour éviter la mort de nombreux opérateurs. En France, quelques poids lourds tirent leur épingle du jeu, mais la disparition des plus petits est déjà annoncée… A moins que la « clause de revoyure », prévue par la loi dans un peu plus d’un an, ne s’inspire du précédent italien.
Des milliers de sites illégaux restent accessibles
Par ailleurs, le fait que les jeux de casino et de bingo soient interdits accentue le phénomène. Et enfin, quand l’Arjel prétend avoir les moyens de faire bloquer les sites illégaux, il est vite contredit. Le PDG de BetClic, Nicolas Béraud, affirme mordicus le contraire : « Le législateur a été mal informé. Il est parti du postulat erroné qu’on pouvait bloquer les sites illégaux. Aujourd’hui, force est de constater qu’on ne peut rien y faire. » Noms de site contournés par le téléchargement de programmes disponibles, changements d’adresses à chaque seconde, sites miroirs qui rendent impossible les mesures de blocage… : les techniques, faciles, ne manquent pas pour contourner le système et mettre en péril l’édifice légal.
Le poker en difficulté
Après seulement trois mois de fonctionnement et des premiers pas chancelants, le nouveau marché n’a évidemment pas dit son dernier mot. On annonce déjà que le marché des jeux en ligne pourrait presque tripler d’ici à 2013 ! Les paris sportifs resteraient l’offre la plus plébiscitée par les internautes. Les paris hippiques réussiraient aussi à s’imposer dans ce nouvel univers. Plus difficile en revanche pour le poker en ligne de se faire une place si les règles ne changent pas. Car aujourd’hui, les joueurs, soumis à un mode d’enregistrement compliqué, ne peuvent pas accéder aux tournois internationaux et sont sous le coup d’une taxation lourde de 2 % par mise : seuls 30.000 joueurs ont basculé sur les sites légaux, contre 600.000 accros aux sites illégaux.
Et la partie s’annonce ardue puisqu’une trentaine de pays vont autoriser leurs propres paris en ligne, ouvrant encore près de 3.000 nouveaux sites non autorisés en France ! Les sites légaux (1,35 milliard de chiffre d’affaires) estiment qu’en 2011 ils perdront ainsi 450 millions d’euros de chiffre d’affaires détournés par un marché illégal qui, lui, engrange 2 milliards. L’Etat français perd 34 millions de recettes fiscales.
(*) Etude du cabinet Mercureo
(source : francesoir.fr/Céline Schmink)