Zeturf, un site qui a lancé le 20 juin des paris en ligne sur les courses européennes de chevaux, ne laisse pas le Pari mutuel urbain (PMU) indifférent. Selon cet organisme, les joueurs qui s'adonneraient à d'autres jeux sur Internet que ceux autorisés par la loi risqueraient "45 000 euros d'amende et trois ans de prison" .
"Cette initiative est illégale et nous préparons notre riposte" , explique-t-on au siège du PMU, qui bénéficie d'un monopole depuis sa création en 1930. La législation protège a priori l'opérateur français de paris hippiques. Ces derniers sont réglementés en France par une loi du 2 juin 1891, modifiée en 2004. Le texte est clair : à l'exception des autorisations délivrées par le ministère de l'agriculture, la prise de paris sur des courses hippiques en France est interdite. Pourtant, ZEturf, à la faveur de l'arrivée de nouveaux investisseurs et de la domiciliation de son site à Malte, propose des paris en ligne...
L'irritation du PMU est d'autant plus grande que, même si son chiffre d'affaires réalisé sur Internet est encore marginal (143 millions d'euros sur un total de 7,6 milliards), les parieurs en ligne qui ont ouvert un compte pour pouvoir jouer sont déjà 80 000, dix-huit mois après la création de ce canal de commercialisation.
Pour mieux séduire les joueurs, ZEturf met en avant le taux de la redistribution : 85 % des mises. Il table sur une volume d'enjeux d'une centaine de millions d'euros par an. Le PMU joue la transparence : en 2004, sur 7,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 5,5 milliards ont été reversés aux parieurs, soit 74 %, et 516 millions ont été attribués aux sociétés de courses.
ARRÊT "GAMBELLI"
ZEturf met en avant la légalité de son entreprise. Les sites de jeux sont en effet installés en Grande-Bretagne, en Autriche, en Finlande ou à Malte. Ils s'appuient sur le droit européen, qui garantit la liberté de prestation de services. Celle-ci prévoit que celui qui est autorisé dans un Etat membre peut l'être dans un autre. Une seule restriction est prévue, en cas de trouble de l'ordre public. Cette notion est importante car, depuis novembre 2003, un arrêt de la Cour européenne de justice de Luxembourg a changé la donne. Baptisé "Gambelli", du nom d'un agent italien qui travaillait pour un bookmaker londonien, il pourrait ouvrir une brèche dans le monopole détenu par la Française des jeux (FDJ) et le PMU.
Piergorgio Gambelli exerçait en Italie, pour le compte de Stanley International Betting, qui pratiquait son métier légalement outre-Manche. Il collectait les paris en Italie et les transmettait par Internet en Grande-Bretagne. Le législateur italien décida alors de le poursuivre, l'accusant de violer la loi italienne sur la collecte et l'organisation des paris.
M. Gambelli ayant mis en avant la liberté de prestation de services, l'Italie a saisi la Cour européenne de justice, qui a rendu un arrêt expliquant que les restrictions italiennes n'étaient pas justifiées. "Dans un premier temps, le bookmaker est soumis à un contrôle strict et sérieux , explique Thibault Verbiest, avocat associé du cabinet Ulys, spécialisé dans les nouvelles technologies. Et dans un deuxième temps, l'Etat italien n'est pas en mesure de dire que cette activité viole l'ordre public ou l'intérêt général, car il ne cesse de promouvoir le jeu et n'a pas de politique de santé publique particulière pour les joueurs et la prévention du jeu."
Quant à celui qui joue sur ce type de site installé à l'étranger, Me Verbiest assure qu'il n'est pas "pénalement coupable" . L'offre de jeux en français sur Internet est pléthorique et "la loi ne réprime pas le fait de jouer dans un casino virtuel" . Mais, admet l'avocat, le joueur n'est pas non plus protégé.
(source : lemonde.fr/François Bostnavaron)